L'équation du temps et la Sainte Luce
Connaissez-vous ce dicton :
"A la Sainte Luce, les jours croissent du saut d'une puce ! "
?
Qu'en est-il ?
La Sainte Luce se fête le 13 décembre et la durée du jour continue pourtant à diminuer jusqu'au solstice d'hiver qui a lieu chaque année vers le 21 décembre, à un jour près.
Mais, cette faible diminution de la durée du jour, se combine avec un retard journalier du midi vrai, de sorte que c'est bien vers le 13 décembre (à la Sainte Luce) que l'heure moyenne du coucher du Soleil est minimale. Les soirées commencent à s'allonger très lentement tandis que les matinées continuent de raccourcir. Il serait donc plus judicieux de dire :
"A la Sainte Luce, les soirées croissent du saut d'une puce ! "
Mais, pourquoi le midi vrai retarde-t-il ?
Voici la Terre, telle qu'elle pourrait être vue depuis le Soleil. Elle est représentée de 15 jours en 15 jours, chaque image étant prise à 12 h T.U. (L'arrêt sur image correspond à l'équinoxe de printemps.)
Si l'on repère sur un planisphère les points qui ont le Soleil au zénith chaque jour à 12h T.U. on obtient la courbe suivante :
En plus du balancement nord-sud qui nous vaut les saisons, vous pouvez constater un léger balancement est-ouest. Cela est dû principalement à deux raisons :
L'axe de la Terre est incliné.
L'orbite de la Terre n'est pas circulaire, mais elliptique.
Nous allons étudier ces deux raisons.
Inclinaison de l'axe de la Terre :
Vu depuis la Terre, le Soleil semble se déplacer, au cours de l'année, parmi les constellations du zodiaque sur une courbe appelée Ecliptique, en jaune dans l'image suivante :
Ce mouvement apparent du Soleil se fait d'ouest en est (de droite à gauche sur l'image) au cours de l'année. Rapporté à l'équateur (tirets blancs) il connaît une variation semestrielle : il est plus lent, par exemple, au moment des équinoxes qu'au moment des solstices.
Or, dans le cas qui nous intéresse : la durée de la journée, c'est bien la position du Soleil rapportée à l'équateur qui compte. En quelque sorte, le déplacement journalier du Soleil vers l'est. Le cumul de cette variation atteint une dizaine de minutes.
Cette variation de l'ascension droite du Soleil est semestrielle. On l'appelle réduction à l'équateur.
La Terre se trouve au plus près du Soleil vers le 3 janvier (périhélie) et c'est à ce moment qu'elle va le plus vite sur son orbite. Au contraire, début juillet elle est au plus loin (aphélie) et va plus lentement.
Dans la figure ci-jointe, P et A représentent, respectivement, le Périhélie et l'Aphélie.
P' et A' sont les positions de la Terre le jour suivant (bien entendu, les angles sont exagérés pour la compréhension) La deuxième loi de Kepler dit que les surfaces des secteurs SPP' et SAA' sont égales, c'est à dire que la Terre se déplace plus vite au Périhélie qu'à l'Aphélie.
Les flèches grises sont des repères (un méridien par exemple) dirigés vers le Soleil le premier jour. Une rotation plus tard elles ont retrouvé la même direction. Il s'agit de la rotation sidérale qui est d'environ : 23h 56m 4s
Dans chacun des cas, la Terre doit effectuer un petit complément de rotation pour que le repère (le méridien) se retrouve face au soleil. Ce complément est en moyenne de 3m 56s. Mais, il évident qu'en P' la Terre devra tourner légèrement plus qu'en A' pour remettre le repère face au Soleil.
Autrement dit, notre journée de 24h n'est qu'une moyenne. Quand la Terre est proche du périhélie la journée vraie dure un peu plus de 24h : 24h 0m 30s et au contraire, elle dure un peu moins de 24h du côté de l'aphélie : 23h 59m 39s. Le cumul de ces petites variations peut atteindre sept minutes.
Cette variation est annuelle et appelée équation du centre.
La somme de ces deux variations, semestrielle et annuelle, est appelée Equation du temps par les astronomes.
L'équation du temps représente l'avance ou le retard du Soleil par rapport au temps solaire moyen. Par convention, elle indique pour chaque jour de l'année le temps, en minutes, qu'il faut ajouter à l'heure solaire vraie pour obtenir l'heure solaire moyenne.
Si, par exemple, un cadran solaire situé sur le méridien de Greenwich indique midi début novembre il est midi moins 16 en temps universel. Attention, la convention de signe est différente en Grande Bretagne et aux Etats-Unis.
L'équation du temps est nulle quatre fois par an : vers les 15 avril, 13 juin, 1 septembre et 25 décembre.
C'est cette courbe, repliée sur elle-même que l'on peut voir sur certains cadrans solaires.
Ce cadran solaire, réalisé par l'auteur, donne l'heure légale en France. L'équation du temps a été tracée pour chaque heure de la journée en deux couleurs : rouge en hiver et bleu en été (la notion d'été/hiver correspondant ici aux changements d'heures et non aux saisons). Les points sur les courbes correspondent aux premiers jours de chaque mois, repérés sur la courbe 13-14h.
La photo a été prise le 3 mai 2000 à 13 h (heure légale)
Un photographe patient qui photographie régulièrement le ciel avec un filtre solaire et l'appareil étant dirigé toujours dans la même direction, peut immortaliser l'équation du temps dans le ciel. Une des poses est faite sans filtre et sans soleil pour planter le décor. (Auteur inconnu)
Jean-Paul Fabry, décembre 2003